Bonjour les gens,

Aujourd'hui, c'est l'heure de parler des manifestations de sexisme et/ou de racisme dans les écoles d'ingénieurs. N'hésitez pas à partager vos propres récits, mesdames, avec le hashtag #PayeTonEcoleDingenieur. Déroulez, les gens ⬇️⬇️⬇️ https://twitter.com/UneVeganeDes/status/1214437557628526592
On pourrait croire que, comme il s'agit de formations scientifiques et techniques, les oppressions en sont exclus, mais pas si vite.
Les médias et les réseaux sociaux évoquent régulièrement le sexisme ou le racisme dans d'autres types de formations élitistes (écoles de commerce, facs de médecine, etc), et on retrouve des dynamiques tout à fait similaires dans les écoles d'ingé. Petit florilège :
- Des "intégrations" parfois violentes. Les années scolaires démarrent souvent avec une semaine d'intégration (où des activités sont organisées sur les campus pour bizut... euuuuh souhaiter la bienvenue à la nouvelle cohorte de 1ère année)
Ces semaines de rentrée peuvent être suivies par un weekend d'intégration (généralement un voyage en bus ou en train vers une plage quelconque, avec murges et compagnie).
Les étudiantes, souvent minoritaires (entre 5 et 35% des inscrit.e.s, variable d'une école à une autre) sont littéralement harcelées par la majorité d'étudiants qui veulent "chopper".
Ces évènements d'intégration peuvent inclure, pour les étudiantes, de la pression à boire, des épreuves / jeux où elles doivent être dévêtues, des exhibitions de mecs à poil (qui font des hélicobites, sinon c'est pas drôle).
Les agressions sexuelles et les viols ne sont pas rare durant ces évènements, mais hélas, ils sont très peu reportés, à la fois parce que les étudiantes concernées ne se souviennent pas toujours, et parce que tout est fait pour les isoler socialement. J'y reviendrai + tard.
- Des soirées étudiantes tout sauf safe. Tout au long de l'année, les clubs étudiants présents dans ces écoles d'ingés sont amenées à organiser des soirées, plus ou moins régulières, plus ou moins chargées en alcool.
Traditionnellement, les soirées sont plutôt organisées les jeudis soirs (ce qui, dans le meilleur des cas, entraîne des arrivées tardives en cours le vendredi matin).
Ces soirées comportent souvent un thème et/ou un dress code, parfois avec des connotations racistes (ces soirées "Evasion en Orient", où on loue un chameau, le DJ diffuse du raï et on dit aux étudiantes tunisiennes "c'est ta chanson, vas-y, fais la danse du ventre !")
J'ai aussi eu des échos de blackface, de yellowface, sans y avoir assisté. Mais le + préoccupant, c'est la manière qu'ont les organisateurs de ces soirées de profiter sexuellement des étudiantes qu'on a poussé à boire par pression sociale (parfois consentantes, parfois meh).
Ce qui me perturbait notamment, et qui m'incitait à ne pas vouloir participer à ces soirées, c'était l'inévitable club photo / TV, qui prenait des photos ou des vidéos à chaque soirée et les diffusait quelques jours après.
De nombreuses étudiantes ont pu voir leur réputation détruite à coups de slut shaming, dès qu'une photo où elles sont agressées sexuellement par des étudiants circulent ("haaaaaaan elle a chopé Jean-Bidule qui est en couple avec Marie-chose !!! Quelle chaudasse !!!!!! ").
A noter que les journaux étudiants, quand il y en a sur les campus, vont aussi contribuer aux ragots et autres anecdotes de soirées, en n'hésitant pas à bien détruire la réputation des étudiantes concernées.
Je vous laisse imaginer comment une étudiante peut avoir sa santé mentale détruite quand elle refuse les avances d'un agresseur, et que les 80% de mecs sur le campus se mettent à la traiter de sal*pe jusqu'à la fin de l'année, en soutien à l'agresseur.
L'autre risque majeur est l'exclusion de la vie étudiante, et à terme, des réseaux d'anciens étudiants qui aident pas mal à trouver des emplois après l'école (les recrutements de cadres se faisant beaucoup par cooptation).
Au-delà des étudiants, les administrations des écoles ont à coeur le maintien de leur bonne réputation, et étouffent au maximum les moindres scandales
(qu'il s'agissent des pratiques tarifaires, des changements dans les cantines, des absurdités dans les politiques d'évaluation, ou des violences sexistes subies par les étudiantes)
- On a parlé des chambres étudiantes ? Parce que bon, les bizutages où des étudiants senior entrent de force dans les chambre des 1ère année, la semaine de la rentrée, pour vandaliser et/ou agresser, ça s'est vu aussi.
Dans certaines écoles, les effractions concernent tout le monde (hommes comme femmes), mais j'ai aussi eu des récits où c'était ciblé sur les chambres des étudiantes.
- Parlons un peu de la vie associative. Les écoles d'ingés hébergent souvent plusieurs clubs thématiques (club musique, club foot, club jeux vidéos, club-humanitaire-où-on-va-aider-à-construire-une-école-au-Paraguay, etc), chapeautée par un Bureau Des Eleves (ou BDE).
Le BDE se voit généralement octroyer des subventions de la part de l'administration de l'école, et complète avec les adhésions des étudiant.e.s, pour ensuite allouer ces budgets aux clubs qui en dépendent.
Ces montants servent à la fois à financer l'organisation des soirées, des évènements sur le campus, d'achat de matériel pour les clubs artistiques ou techniques, de voyages de groupe pendant l'année, etc.
Et ces clubs mettent souvent en avant, pour attirer des recrues, les compétences professionnalisantes que ça va apporter pour le CV. Vous pouvez donc imaginer le prestige que peuvent tirer les étudiants qui président ces associations, et à fortiori les présidents de BDE
Je dis bien "présidents" car, de mémoire, je n'ai jamais vu une étudiante à la tête d'un BDE dans mon école, et je soupçonne que nombre d'écoles ont le même manque de représentativité.
Dans les rares clubs prestigieux que j'ai vus où une femme était présidente, les autres membres du club lui refusaient toute légitimité, prenaient des décisions à leur place, les harcelaient sexuellement pour essayer de les dégoûter de ces clubs, etc.
Ça pouvait se passer un peu mieux dans les clubs connotés "féminins" (comme les clubs artistiques ou humanitaires), mais dans les clubs connotés "geeks" ou "sérieux", c'était juste infernal pour elles.
Quant aux personnes racisées, on les tolérait dans les assos "humanitaires" ou "culturelles" (bon, on ne va quand même pas refuser aux étudiants marocains de participer au club de cuisine marocaine), mais au-delà, même problème de représentativité dans les clubs prestigieux.
Ce que j'appelle "clubs prestigieux" : le BDE, les assos sportives, les médias étudiants (pour les écoles d'ingés qui ont un journal / une radio / une TV locale), les clubs "geek" (jeux vidéos, etc), les clubs professionnalisants (junior entreprises, clubs de code / réseau, etc)
En particulier, les campagnes électorales pour élire le BDE sont l'occasion d'organiser les soirées les plus alcoolisées de l'année (avec les galas annuels et les soirées d'intégration), et où la pression au sexe sur les étudiantes est à son comble.
- pour l'instant, je n'ai parlé que des relations entre étudiants et étudiantes... mais les hommes qui font partie du personnel des écoles ne sont pas à exclure.
Des profs ou des responsables de l'administrations qui vont enchaîner les rapports avec les étudiantes lors des soirées, alors qu'ils sont nettement plus âgés, ça s'est vu.
Sur mon campus, j'ignore lesquelles étaient consentantes pour ces relations et lesquelles étaient abusées (probablement un nombre non nul, je le crains).
- concernant le racisme, je vais faire un focus sur les étudiant.e.s venu.e.s de l'étranger. Les écoles d'ingés, en France, accueillent beaucoup d'étudiantes venant de Chine, d'Afrique du Nord, d'Afrique subsaharienne, et un peu aussi d'Amerique Latine.
Ces populations connaissent pas mal de difficultés administratives, à la fois dans leurs démarches d'immigration, et de la part du personnel des écoles. Beaucoup ne sont pas éligibles aux bourses sur critères sociaux, et se prennent donc la précarité de plein fouet.
Ce sont les premières populations affectées par les hausses de frais d'inscription, les hausses de prix des cantines scolaires, et des loyers des chambres étudiantes pour les écoles qui en proposent.
Sans compter les fréquents déplacements en préfecture qui font louper des cours, avec zéro compassion de la part des profs.
Tout ça les entrave nettement quand il s'agit de participer à la vie associative étudiante, de réseauter, et s'ajoute à leurs difficultés futures pour trouver des emplois. (Pas) merci les restrictions sur le changement de statut à la remise du diplôme.
Si vous avez vécu des anecdotes dont je n'ai pas parlé ici (ex : sexisme / racisme venant des profs, des alumni, lors des oraux de concours d'entrée, bizutages hors semaines d'intégration...), je vous encourage vivement à les évoquer en complément de ce thread.
Sur ce, je vous laisse, j'ai du houmous dans le frigo qui coule du robinet. A bientôt les gens !!
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