Hey ça faisait longtemps un petit thread historique, non ? Alors si vous le voulez bien on va parler de la Tactique du Salami, et croyez moi c'est pas aussi fun que ça en a l'air. Par contre, ça reste plutôt d'actualité.

Ce monsieur a l'air très méchant, c'est Mátyás Rákosi. La première famille de sa vie est l'antithèse du fun : enième enfant d'une famille pauvre de la Serbie Autro-Hongroise, il est envoyé sur le front de l'est en 1914 et est fait prisonnier de guerre.

Pendant la révolution russe, Mátyás Rákosi se convertit au bolchévisme, qu'il rentre prêcher en Hongrie après la guerre. Dans l'entre deux guerres, la Hongrie est une dictature brutale dirigée par l'amiral Horty.

le régime d'Horty va faisse passer à Mátyás Rákosi 16 ans en prison avant de l'exiler en URSS, ou il deviendra un farouche Stalinien, membre du Kommintern.

En 1945, l'URSS sort exangue de la Guerre, et la Hongrie est elle-aussi un tas de ruines fumantes. C'est un des pays dont le sort n'est pas tout a fait scellé. Le PC n'y est pas très implanté, l'occupation militaire soviétique mal reçue par la population.

Pour tout un tas de raisons (militaires, diplomatiques, économiques), Staline ne peut pas se permettre une mise au pas brutale et rapide du pays comme dans les Pays Baltes : la Hongrie ne fait pas partie de son territoire "historique". Il confie donc ce problème a Mátyás Rákosi.

ce dernier, se qualifiant lui-même de "meilleur élève de Staline" imagine un plan pour transformer la Hongrie en pays satellite de l'URSS : découper la démocratie petit bout par petit bout, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour réagir. C'est la "Tactique du Salami".

de 1945 à 1947, alors qu'il dirige le parti communiste hongrois, il semble jouer le jeu de la démocratie et du multipartisme, tout en s'arrangeant pour être toujours au gouvernement. En février 1946, il devient Premier Ministre.

Dans la coalition multipartite au pouvoir, Mátyás Rákosi s'arrange pour que figurent des membres clandestins du Parti, qui voteront systématiquement dans le sens des intérêt de ce dernier.

Quand ce n'est pas possible, les espions au sein de ces partis s'arrangent pour les faire éclater, conduisant l'ensemble des partis sauf le PC à être divisés et désorganisés aux élections de 1947.

Parallèlement, les leaders de l'opposition ainsi que les intellectuels non communistes sont mystérieusement arrêtés un à un par la police secrète et poussés à la démission ou à l'exil, sous des prétextes divers (parfois basés sur un fond de vérité, parfois non).

Plusieurs partis de gauche ou du centre sont, pour des logiques électorales, contraint de former des alliances avec le PC ou de fusionner entre eux pour se rendre compte que leur nouveau patron a pour projet immédiat de les fusionner avec le PC.

Les partis deviennent les uns après les autres des satellites du régime.
Cette technique va être employés un peu partout dans les syndicats, les écoles, la magistrature, etc.

Pour faire diversion, Rákosi répond à toutes les critiques en collant l'étiquette de fasciste ou d'anti-hongrois à tous ceux qui critiquent ces méthode (il est aidé par le fait que nombre de ses opposants sont ou ont été des fascistes).

Malgré tout, le Parti Communiste ne remporte que 22% des voix aux élections de 1947. Cependant, c'est déjà trop tard : les autres partis sont ingouvernables et divisés, et l'ensemble de la société civile est infiltrée par des agents de Moscou.

Tout s'étant fait de manière apparament indépendante et comme une suite d'événements "logiques" et sans lien apparents entre eux, l'opposition n'a pas réagi à temps.

Une fois les élections de 1947 passées, plus personne n'est en mesure de contester l'autorité du PC ou de présenter un front politique contre lui. En 1948, la dernière figure d'opposition est Zoltan Tildy

Tildy est alors le Président de la République, très respecté pour avoir été un des rares opposant à la participation de la Hongrie à l'Axe pendant la guerre et à s'être opposé politiquement au fasciste général Horty (ici dans un mod de Hearts of Iron IV)

Ne pouvant s'attaquer directement à lui, Rákosi fabrique un dossier de toute pièce pour faire accuser son gendre de trahison, scandale qui poussera Tildy à la démission. Il est remplacé par Árpád Szakasits, communiste modéré qui sera lui même rapidement remplacé par un Stalinien.

1949 : des élections législatives sont tenues avec comme candidats la coalition de l'ensemble des paris absorbés mois après mois par le PC et quasi plus personne en face. le Front populaire indépendant hongrois obtient quasiment 100% des voix, sans avoir eu à tirer un coup de feu

La Hongrie plonge dans une dictature marquée par la poursuite du Salami : dès 1949, les différents leaders plus modérés sont arrêtés, et les différents partis de la coalition réduit à néant. Les principaux religieux et intellectuels, y compris communistes, sont arrêtés en 1950.

Le régime de terreur, plus ou moins virulent, durera une quarantaine d'année, mais Mátyás Rákosi en sera lui-même écarté assez-vite. Suite à la révolution de 1956, l'URSS le force à démissionner et à s'exiler au Kirgizistan (très très loin).

Encore aujourd'hui, la Tactique du Salami est considéré comme une des principales méthodes de manipulation ou de démembrement d'une organisation, d'un état, etc. C'est un mélange entre "diviser pour mieux régner", "faire bouillir une grenouille" et la "mort par cent coupures".

Diviser : faire en sorte que plus personne en face ne soit organiser, ou que vos opposants se détestent

Faire Bouillir : Monter peu à peu la température jusqu'à ce que vous vous en rendiez compte (et c'est trop tard)

Mort par Coupures : personne ne vous prive d'un seul coup, mais vous êtes attaqué par plein de petites choses jusqu'à tout perdre (5e d'APL par-ci, un trimestre en plus par là, hem).

Pour peu que vous soyez un peu organisé et très méchant, la Tactique du Salami garanti un succès évident dans les négociations au service de vos buts maléfiques ou de votre mégalomanie, n'hésitez pas à ne pas l'adopter car vous êtes de bonnes personnes, bisous et portez vous bien