De toute façon, l’agriculture conventionnelle, on n’en a plus besoin : on a la permaculture. C’est rentable, et sans pesticides. Il y a même un rapport de l’INRA qui le dit.

Bon, en vrai, la permaculture, ça peut apporter quoi ?
Un thread au design irréprochable. ⬇️⬇️⬇️
C’est vrai, il y a un rapport de l’INRA qui dit qu’une expérimentation de micro-maraîchage au Bec Hellouin (devenu en quelques années la Mecque française de la permaculture) a donné des résultats très encourageant. C’est tout à fait vrai.
Il y est montré qu’une toute petite parcelle (1000m2 effectivement cultivés) peut, dans les conditions précises du Bec Hellouin, assurer un revenu raisonnable aux personnes qui y travaillent, à partir de méthodes agroécologiques exemplaires.
D’où les titres du type « La permaculture est officiellement une activité rentable selon l’INRA ». Sauf que… non. Ce serait supposer que la permaculture n’est que du maraîchage, parce qu’il n’est ici question de rien d’autre.
Ce serait supposer aussi qu’il est partout possible de se retrouver dans les conditions du Bec Hellouin. Notamment, avec un important débouché vers des restaurants gastronomiques, et en amont, un accès à des quantités suffisantes de fumier issues d’un centre équestre voisin.
Seul un cas particulier de la permaculture, donc, est rentable. Et c’est déjà un résultat très encourageant. Sauf qu’il conduit certains à penser que LA permaculture est rentable, et à glisser très vite vers « la permaculture peut nourrir le monde, c’est prouvé ».
C’est un gros problème du milieu de la permaculture. Beaucoup d’enthousiasme, ça a aussi son revers. Et comme la permaculture est à la mode, beaucoup de nouveaux arrivants en ont une vision exagérément optimiste. Vous vous rappelez Dunning-Kruger ? https://twitter.com/Fabiensapiens/status/1082175457028648960
Voilà. Tous ces nouveaux entrants hyper-enthousiastes et cherchant des solutions pour l’avenir pensent vraiment avoir trouvé le graal. Confortés par ce genre de rapport scientifique mal compris.
Et répandent la bonne parole sur les réseaux sociaux.
En vilipendant l’agriculture conventionnelle. Ce qui, en face, génère une réaction très négative vis-à-vis de la permaculture, perçue comme un truc vraiment pas sérieux, prétentieux, pseudo-scientifique et aussi comme une belle pompe à fric.
Ce que, malheureusement, elle est largement devenue. Le business de la formation en permaculture et celui de la vente de livres sont florissants, et la part de production réelle est bien faible en comparaison, et souvent largement assurée par des bénévoles.
Attention : le fait d’avoir plusieurs sources de revenu dans un système en permaculture n’est pas un problème : personne ou presque ne semble le savoir, mais la permaculture, c’est l’art de mettre des éléments en synergie dans un système.
Mais est-ce généralisable, scalable ?
Oui, parce que le point commun d’à peu près tout le monde, à propos de permaculture, c’est de ne pas y connaitre grand-chose, mais d’en parler avec aplomb. Qu’on trouve ça formidable ou débile, on en parle sans trop savoir ce que c’est.
Ok, c’est pas simple de la définir. Il existe même une page régulièrement remise à jour de synthèse des définitions de la permaculture. Mais la notion de base, ce n’est ni le jardinage ni l’agriculture, ni les buttes ni le paillage. C’est la notion de conception d’écosystèmes.
Qui peut (théoriquement, du moins) s’appliquer à à peu près tout : un jardin, une ferme, un quartier, la gestion de votre foyer, l’adaptation au changement climatique ou au pic pétrolier, le fonctionnement d’une association ou d’une entreprise…
On a même des notions de permaculture humaine. Concept potentiellement intéressant mais gros risque de dérapage new age, et c’est l’autre problème de la permaculture. Une grosse perméabilité aux pseudosciences.
La permaculture est une auberge espagnole qui admet des visions scientifiques, et d’autres beaucoup plus ésotériques. Pourquoi pas, chacun fait ce qu’il veut. Sauf que ce versant ésotérique est aujourd’hui globalement trop présent à mon sens.
Trop présente aussi l’idée que la permaculture permet de tout faire presque à la main, tant elle permettrait des systèmes incroyablement productifs sans gros efforts, avec, très présente, l’idée de non agir venant du Japonais Masanobu Fukuoka.
Quand on ne part pas dans des idées incroyablement casse-gueule comme la permaculture végane (déjà que de la permaculture "normale", c'est pas gagné...). https://twitter.com/Fabiensapiens/status/1083637349626593280
Pourtant, les méthodologies à la base de la permaculture sont tout à fait rationnelles, inventives, et méritent d’être expérimentées sérieusement, avec un véritable travail d’évaluation des résultats, sans complaisance et sans généralisations abusives.
Avant de prêter à la permaculture des vertus quasi-magiques ou de la rejeter par défaut, peut-être que ce que chacun aurait de mieux à faire est de s’y intéresser vraiment, sans a priori ni positif ni négatif. Ou cesser d’en parler.
Vous pouvez retrouver mes meilleurs threads (et même les pires en cherchant un peu dans le fond) ici. https://twitter.com/i/moments/1153712450505773067
Synthèse des définitions de la permaculture. Depuis des années, la page est remise régulièrement à jour. Version 8.4 à ce jour.

http://permaculture-sans-frontieres.org/fr/synthese-definitions-permaculture
Ce thread est encore une illustration de la loi de Brandolini et de la façon d’y survivre. J’ai décidé de le faire après une n-ième discussion sur la preuve de la viabilité de la permaculture (en général) par le Bec-Hellouin. https://twitter.com/Fabiensapiens/status/1151554152134303744
Un point symptomatique ?
Impression que sur les RS, il y a plein de messages enthousiastes, liens vers des initiatives de permaculture, quelques lieux.
Mais très peu de messages partageant des savoir-faire, des designs, des techniques, des méthodes un peu sérieuses...
Sur la notion de "non-agir" venue d'orient. L'idée d'origine était plutôt une notion d'agir juste, agir sans geste inutile. C'est une idée qu'on retrouve dans les arts martiaux, et qui à mon sens est parfaitement illustrée par cette scène chez Kurosawa :
Au fait, j'ai pas dit d'où je parle.
Je suis co-fondateur de l'association de permaculture/agroécologie "Le sens de l'humus" en 2006, de l'association corse d'agroécologie en 2011, certifié en permaculture en 2013 et aujourd'hui animateur du réseau corse de permaculture.
(juste pour dire que je suis plutôt très favorable à la permaculture, et que si je la critique, c'est que je souffre vraiment de ses faiblesses et de ses dérapages)
On me parle souvent de permaculture urbaine incluant de l'aquaponie, visant une autonomie alimentaire pour les villes. Un petit rappel que ce genre de projet est particulièrement complexe et risqué : https://twitter.com/yaours/status/1204007518520926213
https://twitter.com/Fabiensapiens/status/1287108980397895680
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