J’aurais bien fait un live tweet de ma lecture de « La Recherche » de Proust, mais honnêtement, 9 fois sur 10 le commentaire serait une variation de « rha quel relou le narrateur... ah ouais mais en fait c’est tout moi ! » donc je vous l’épargne.
Exemple des « Jeunes Filles en Fleur », après 80 pages de « j’aime Gilberte mais je veux pas qu’elle croie que je suis désespéré donc je lui écris pas », deux pensées consécutives:
- rhaaa le mec relou
- pff t’étais pareil
Proust continue à me triller allègrement. Je m’emmerdais ferme à Balbec depuis 300 pages longues comme - j’imagine - un été en Normandie quand SOUDAIN
(Je dis soudain avec ironie, c’est Proust, il n’y a pas grand chose de soudain dans cette affaire. Je crois me souvenir d’une phrase de ce genre dans un spectacle de Desproges tiens)
Quand SOUDAIN, disais-je, le narrateur rencontre Albertine et son gang, et en 10 pages éblouissantes, toute la petite société qui marigote dans cet univers est rhabillée pour l’hiver. Notables de province, riches oisifs, gentilles mais moches, tout le monde y passe.
C’est abusif, parce que je vais devoir entamer le tome suivant alors que j’étais presque disposé à renoncer.
Bon, du coup j’attaque le Côté de Guermantes, bien conscient qu’on est au delà des 2 premiers, là où beaucoup ont renoncé, là où le commentaire se fait moins dense. J’ai l’impression d’être un explorateur. Un pirate.
Première phrase et on balance déjà une méchanceté sur Françoise, comme ça, sans bonjour ni échauffement. Je sens que ça part bien, je vous dirai.
Entrée directe au top 10 des trucs que je m’attendais pas à lire chez Proust: cinq pages de discours étonnamment précis sur le débat « la guerre, art ou science », sur l’évolution de la cavalerie en arme de choc, sur l’importance de la doctrine.
Puisqu’on vous dit que les militaires aiment bien expliquer!
Le narrateur de la recherche: dit qu’il écrit, n’écrit pas, procrastine, boit, tombe malade, rêvasse à la fenêtre, se déteste, recommence le lendemain.
Moi:
Sans pression, Proust nous dégaine un petit zeugme de la bagarre pour la collection de @GDeleur
Quand Proust parle de la maladie de sa grand-mère en classant les médecins et relations selon leur éducation et la convenance de leur comportement j’étais en mode: mmoui c’est un peu chiant mais c’est raccord. Et me voilà prêt pour 300 pages sur ce sujet.
Et puis soudain, quelques pages à peine et elle meurt. Et lui, il nous expédie ça en un paragraphe bouleversant qui décrit son visage apaisé, comme celui d’une jeune fille qu’on va marier et qui ne sait rien encore et j’étais comme ça:
Bref Proust est un malin (et autres évidences que je vais sans doute découvrir bientôt). À suivre.
Discrétos et après une pause salutaire en fin de tome 3, j’ai repris le fil de ma lecture de Proust avec « Sodome et Gomorrhe » dont on m’avait dit qu’il traitait entre autres d’homosexualité.
Je m’attendais à une bonne vieille intro proustienne de 70 pages BUT BOY WAS I MISTAKEN
En vrai, le livre part sur des chapeaux de roue:
- avant la page 10: scène de boule avec métaphore fleurs et abeilles pour les lecteurs les plus lents ou les moins imaginatifs
- avant la page 30: métaphore douteuse qui a plutôt mal vieilli.
Heureusement le chapitre 1 nous ramène sur un terrain plus connu: un salon chez une princesse et les angoisses sociales afférentes qui vont avec. Tout ça demeure miraculeusement écrit, évidemment, mais ma curiosité est piquée.
Parfois, il insiste tellement avec ses métaphores qu’on dirait cette scène dans « Opération Corned Beef » où Clavier explique à Reno que s’acharner à vouloir être avec la mauvaise femme c’est comme s’efforcer à porter des chaussures trop petites.

(Jean-Claude Référence bonjour)
Proust (imaginez-le avec la voix de Christian Clavier un peu agaçante): « mais siiiii, Jupien et Charlus, làà c’est comme la fleur avec le bourdon tu saiiiiis. « 
Le lecteur:
Je suis au stade de ma lecture où je ne comprends pas pourquoi le narrateur, un type malpoli qui veut écrire mais n’écrit rien, est soudainement devenu la coqueluche des salons.
J’ai par moments l’impression de lire un prequel interminable des carnets mondains du Point.
Souvent c’est juste après que j’ai râlé un peu que Proust balance en loucedé un moment magique pour montrer que c’est bien lui le boss dans le game.
Ça n’a pas loupé cette fois-ci encore.
Donc retour à Balbec, le narrateur est soudain assailli par le deuil de sa grand-mère, et puis un jour il est ébloui par la lumière dans un champ de pommiers en fleurs, c’est le printemps et on a beau essayer, le spectacle est trop beau pour qu’il réussisse à être triste.
Je raconte mal, mais c’est magnifique.
En revanche, dans la série des trucs que c’était pas la peine, une poignée de pages plus loin: les réflexions du Dr Cottard sur les sources du plaisir féminin en voyant Albertine et ses cop’s danser.

Ce bouquin me rendra fou.
Pas encore confiné, j'ai enfin terminé la lecture de Sodome et Gomorrhe, en m'épuisant à suivre l'ascension consternante de la famille Verdurin, médiocres et malpolis qui deviennent incontournable sans que l'on sache pourquoi. J'ai l'impression qu'on me parle des Kardashian.
Maintenant qu’on re-aime Albertine alors qu’on était prêt à la lourder 4 pages avant je suis prêt à attaquer le tome suivant. Le suspense est insoutenable (non).
Mais avant cela et pas tout de suite parce que je dois sortir le chien, je propose qu’on remplace l’expression « long comme un jour sans pain » par « long comme un dîner chez les Verdurin »
Merci bonsoir
Dix pages dans « la Prisonnière » et on dira que j’insiste mais il s’est passé plus de trucs intéressants que dans la 2e moitié du tome précédent.

Comme depuis 2-3 tomes on commence là aussi par une petite allusion érotique propre à faire rougir les honnêtes gens.
Que l’on enchaîne sur cet esprit du mourant qui se réjouit qu’au moins il fasse beau. Tout cela est toujours admirablement écrit mais enfin c’est Proust vous savez, heureusement que c’est merveilleux à lire sans quoi je vois pas bien l’intérêt
Et on continue avec un autre classique des débuts de tome: en disant des méchancetés attendries sur Françoise, la gouvernante peinte ici sous les trait d’un adjudant d’unité.
J’aime autant vous dire qu’on peut certes baisouiller dans les coins mais ça file droit chez les Proust.
(Je me rends bien compte que le premier tweet de ce fil est en contradiction avec le reste de ce fil, merci, mais bon c’est Proust là qui fait pareil à dire tout et son contraire aussi)
Ah, attendez, on me signale en régie que le narrateur n’aime plus Albertine, alors qu’il était fou d’elle il n’y a pas dix pages, et prêt à rompre avec elle vingt pages avant.
Je reste en direct et pour vous informer des démentis futurs qui ne manqueront pas d’arriver.
Le narrateur est malade, il est confiné dans sa chambre et il essaie de s’échapper par la seule force du souvenir et par l’odeur des brindilles pour allumer le feu et si j’avais lu ça il y a une semaine j’aurais sans doute compris les choses TRÈS différemment.
Bref encore un mec riche qui écrit son journal de confinement, y’en a marre à la fin, Proust démission.
N’empêche que pour quelqu’un qui n’aime plus du tout Albertine, je trouve que le narrateur passe beaucoup de temps à se faire conseiller des robes et des chaussures à lui offrir, ça cache quelque chose cette histoire encore.
Pour l’instant je dois bien admettre que le rythme de ce tome 5 est plaisant, de procrastinations en jalousies autour de cette espèce de comédie romantique avec Albertine. Mais je sens qu’on va me reparler des Verdurin bientôt et cela m’attriste un peu.
RT si toi aussi t’es une Parisienne blême et ardente, étiolée par le manque d’air et l’habitude du vice.
#jesuisparisienneblemeetardente ça ferait un bon hashtag de ralliement.
Sinon, Bergotte est mort et les journaux se sont trompés d’un jour sur la date de son décès. Les fake news c’était déjà un problème à l’époque de Proust.
Le narrateur va lourder Albertine pour se consacrer à l’Art, mais même moi qui découvre je sais déjà que non, et que lol non.

Parmi tous les thèmes de la Recherche, l’oisiveté et les excuses qu’on y attache est sans doute celui qui me saute le plus souvent aux yeux.
En revanche, la transformation subite de Charlus de vieux reclus ombrageux adepte de la morsure au visage et socialement intraitable à vieille tata caricaturale pleine de manières, je dois admettre que je l’avais pas vue venir.
Ah ben tiens justement: https://twitter.com/AmisDeProust/status/1244310737390055425
Je me demande comment on peut lire la Recherche d'une traite.
Au début, je m'en voulais d'y aller à pas compter, de prendre de grandes respirations, de lire autre chose dans les intervalles.
Je commence à croire qu'en fait, c'est comme ça qu'il faut la lire.
J'y suis plongé depuis l'été dernier. J'arrive lentement à la moitié du cinquième tome. Et plus j'avance, plus je me laisse bercer par cette lecture si particulière.
Une fois, un mec m'a dit "il faut passer du temps sur chaque phrase, tout désosser": je suis pas d'accord.
Je commence à peine à m'habituer, mais je crois qu'il faut au contraire lire la Recherche en pensant à autre chose, parce que c'est tout l'objet: une immense fresque de la digression.
En revanche, je ne sais pas comment on peut lire ça au lycée ou même en prépa. J'ai l'impression (trentenaire tardif) d'être tout juste dans le bon créneau. J'y aurais rien compris il y a sept ou huit ans.
Ceci était ma digression de pause café, retrouvez-moi très bientôt sur ce même fil pour continuer à faire des vannes sur Albertine, le narrateur et le reste du bestiaire parigo-bourgeois.
Et on reprend ce fil avec une des comparaisons foireuses qui ont fait la légende de commentateur proustien: voir cet âne de Verdurin brutaliser cet âne de Saniette, ça me fait penser à la relation entre Donald Trump et Jeff Sessions. Avec le même degré de sympathie.
Ah, attendez, Charlus dit des horreurs sur Mme de Molé, je ne me souviens plus de qui c’est mais le Charlus’ Seal of Disapproval suffit à me la rendre instantanément sympathique.
Après quelques pages magnifiques sur la musique, nous revenons à Charlus qui dit des horreurs à des baronnes dans un langage extrêmement soutenu, c’est beau et méchant comme du Jane Austen bien traduit.
En revanche il devrait faire gaffe, la mère Verdurin va en faire du petit bois à ce rythme.
Charlus passe 20 pages à dire des choses horribles sur la moitié de Paris et conclut son monologue par « Tout le monde est devenu si méchant. C’est à qui dira le plus de mal des autres. C’est une horreur! » sans hausser un sourcil.
On se croirait sur le plateau d’une matinale.
Ah, ça y est, Mme Verdurin procède à l’exécution de Charlus. C’est cruel et implacable, et en même temps un peu fascinant. Une espèce de Cersei Lannister version Belle Époque mondaine.
(Enfin façon de parler, elle n’a pas fait assassiner des centaines d’innocents non plus hein, c’est Proust, n’allez pas imaginer des trucs)
Moi quand le narrateur compare ses errements à ne pas lourder Albertine aux jeux subtils des diplomates cherchant à éviter la première guerre mondiale de se déclencher:
J’ose à peine imaginer les comparaisons alambiquées qu’il aurait osé faire si le roman avait été écrit après la découverte de l’arme nucléaire.
La mère du narrateur: « mec, tu fais n’imp. »
Françoise: « mec, tu fais n’imp. »
Albertine: « mec, tu fais n’imp. »
Le narrateur: « par le seul truchement de mon esprit de déduction, je commençais à me demander si j’avais bien raison d’agir de la sorte. »
Moi:
La recette « je la séquestre mais je lui achète plein de beaux trucs » je suis curieux de savoir comment ça finit dans la vraie vie.
En même temps, le tome suivant s’appelle « Albertine disparue ».
Ah, on atteint le moment où le narrateur qui n’écrit pas une ligne donne des leçons de littérature à la meuf qu’il, pardon d’insister sur ce point, SÉQUESTRE CHEZ LUI ALORS QU’IL TRAÎNE EN PYJAMA TOUTE LA JOURNÉE.
Je vais faire un malaise.
Le narrateur confronte Albertine avec la somme de toutes les histoires qu’il se raconte dans sa tête depuis le début. La pauvre en face ne comprend rien.
Je revois toutes les lettres enflammées et un peu tarées de mon adolescence qui ont du consterner tant de mes amours d’alors.
Le ton passe de la colère à la tristesse. C’est ça, le véritable indice que la fin est proche.
Salaud de Proust. J’étais tout prêt de conclure le tome 5 dans la détestation la plus parfaite de ce fumier de narrateur et il me balance une scène de rupture plus triste qu’Eternal Sunshine of the Spotless Mind.
Salaud de Proust.
Voilà. Albertine a fui, je suis soulagé pour elle je viens de finir le tome 5. Il en reste deux.

Que faire:
A noter que Proust manie assez bien le cliffhanger en fin de tome. Pour un mec qui n’est pas capable d’aller à la ligne plus fréquemment que par paquets de 30 pages c’est inattendu.
Les gens qui m‘affirment qu’il faut relire la Recherche une fois par an: détendez-vous.
La majorité a parlé et elle a parlé fort, j’enchaîne donc sur le tome 6 dès ce soir.
Ça va sans doute être comme un footing régimentaire: tout le monde accélère quand ça sent l’écurie.

(Mes confuses à @TonioAlbertini dont le « Banditi » m’attendra encore quelques jours)
*voix érotico-sécurisante*
« Previously, on Marcel Proust’s la Recherche... »
Bon, je reprends ma lecture, Madame ayant déclaré que « c’était bien assez de jeu vidéo pour aujourd’hui » alors que même pas vrai, hé.
À ce qui me disent qu’on s’en fout, je répondrais que quoi de plus proustien que de mélanger sa vie à celle de l’histoire qu’il raconte? Hein?
Du coup la meuf est gone, le narrateur est au désespoir, il se lamente pendant 10 pages avant de prendre des mesures fermes: vite, trouver un giron qui la cherchera pour lui!
Cela dit il est lucide.
Et d’ailleurs il le dit: « j’étais désespéré mais pas au point de, genre, FAIRE un truc. »
Moi: 😭😭😭
Du coup on convoque Saint-Loup, le sous-officier le moins occupé de l’armée française. Il pourrait être de garde, ou de semaine, au moins UNE fois, pour la crédibilité de l’œuvre. Mais non! Que voulez-vous les gens ne respectent rien.
On fait poireauter le narrateur: "ces dames sont parties pour 3 jours", "oui oui fin de semaine". Je connais cette technique, un marchand libanais a fait poireauter comme ça un de mes caporaux qui voulait une carte SIM locale pendant tout notre mandat mais je m'éloigne du sujet.
(à tel point que "3 jours, 2-3 jours" était devenu une blague récurrente dans la section. La veille de notre retour au bout des fameux 14 jours dont je vous ai parlé ailleurs, mon caporal est retourné voir le mec. Il lui a promis sa carte pour dans 2-3 jours, évidemment)
Mais revenons à Proust. Je sens dans le désespoir du narrateur poindre des accents un peu trop familiers. On va sans doute pas rigoler dans ce tome, en fait.
Et bien évidemment, elle le gaule en train d'envoyer son pote la stalker, elle lui écrit un paragraphe très neutre pour lui dire qu'elle l'a gaulé, et il lui répond quatre pages beaucoup trop enflammées.
J'ai l'impression qu'on me raconte mes plus beaux râteaux adolescents.
Ce narrateur si détestable, attendant des nouvelles qui ne viennent pas, échafaudant des stratagèmes sur lesquels il ne peut rien, n'ayant même pas un compte sur les réseaux sociaux à espionner, imaginant tout et son contraire, qui se désespère, je le reconnais en fait.
Je le connais bien, même: c'était l'été de mes 18 ans, je vois tout à fait l'ambiance.

AH ATTENDEZ, retournement de situation, elle veut revenir? Mmmmh t'es sûre meuf, il te séquestrait quand même hein
AH ATTENDEZ RE-retournement de situation, on annonce qu'Albertine est morte.
J'y crois pas 2 secondes: si c'était vraiment le cas, le narrateur ne serait pas si bavard à disserter sur des trucs sans importance.
Bon, Albertine est toujours morte (du moins c’est ce que l’on croit) mais ça n’empêche pas le narrateur de continuer à s’obséder pour savoir si elle aimait les femmes. Cette obsession est vraiment l’arc narratif le plus pété de la Recherche.
Bon, il va falloir s’y résoudre, Albertine est vraisemblablement bien dead en plus d’être gone.
Je suis surpris et déçu, un peu, par le traitement de l’affaire.
Cela dit il y a des passages incroyables: celui où le narrateur dit qu’il l’aimait justement parce qu’elle aurait pu être une autre, que le destin aurait pu ne jamais les faire se croiser et que c’est ce hasard qui l’émeut. C’est très beau.
Le chapitre se termine de façon très proustienne: on écrit des lignes bouleversantes sur le deuil et l’oubli mais on omet pas de dire qu’Andrée a de la moustache dans les intervalles.
Du coup, chapitre 2, à peu près à la moitié du livre, où on va me parler d’une mademoiselle de Forcheville. Comme souvent chez Proust, je me dis que je dois déjà savoir qui c’est sans être capable de me souvenir qui c’est (c’est souvent pareil dans la vraie vie d’ailleurs).
Au début du deuxième chapitre le narrateur se promène dans un parc de Paris à la Toussaint. Le souvenir d’Albertine est partout mais plus aussi douloureux. Attendri, il suit des groupes de jeunes filles en se remémorant son amour et ses amies.

Tout cela est charmant. MAIS.
J’essaie de m’imaginer la même scène racontée par les meufs: « y’avait un vieux mec pâlichon avec une stache de travers qui nous a stalkées dans les allées du parc, meuf c’était troooooop flippant »
Ah, on a cru reconnaître une fille facile dont nous a parlé le compère Saint Loup. Du coup, tout en écorchant son nom, le narrateur nous rejoue un thème récurrent de la Recherche: la perspective de ken le met soudain en mouvement et le fait sortir de chez lui avec frénésie!
AH ÇA QUAND ON VEUT NIQUER ON EST PLUS MALADE HEIN FUMIER VA
Ah attendez fausse alerte Saint Loup vient de lui écrire que c’est pas la même meuf. Vite, repassons en mode neurasthénique.
« J’ouvris Le Figaro. Quel ennui! » (Marcel Proust)

Rep a sa @Le_Figaro
Alors qu’en vrai c’est son article, celui écrit au tome 2 genre quand il avait 14 ans, qui est enfin publié!

Grosse réactivité dans le traitement des sujets importants. Vous noterez qu’on ne sait pas plus aujourd’hui qu’hier de quoi cause cet article hein
Le temps a passé, le chagrin s’estompe. On apprend chez des gens qu’en fait la fameuse mademoiselle de Forcheville que le narrateur voulait connaître bibliquement n’est autre que... cette bonne vieille Gilberte Swann, ex-amour d’enfance!
Laquelle utilise un nom d’emprunt parce que Swann se serait cramé dans le monde des aristos en épousant une cocotte, tout cela m’attriste et m’ennuie un peu, mais au moins quand on me cause de Swann on est pas en train de passer 50 pages à dîner avec les Verdurin donc bon.
La thématique de ce tome, c’est vraiment d’alterner les passages magnifiques sur le deuil et la mémoire avec des passages qui feraient rougir d’embarras un chroniqueur de Touche Pas à Mon Poste.
Là par exemple, on vient de torturer la pauvre Andrée pour qu’elle avoue enfin qu’Albertine aimait les femmes. Je n’en peux plus de cette obsession du narrateur. J’ai juste envie qu’il arrête d’emmerder tout le monde avec ça. Surtout qu’il dit lui même qu’il s’en fout maintenant!
Dans les autres thématiques qui m’indiffèrent au plus haut point, on retiendra aussi « qui a le droit de parler à qui selon son rang social » et c’est à ça que je vois bien que je suis un pur produit de la bonne vieille méritocratie républicaine et militaire, honte sur moi.
Ah, on disserte maintenant sur le fait que les femmes médiocres mentent aisément pour garder en leur pouvoir des hommes intellectuels sensibles. Cf Albertine la méchante avec lui, l’auteur de génie d’un article. Décidément ce narrateur est tout à fait aimable et plaisant.
Notez que je devrais être démenti dans les dix pages à venir de cette dernière affirmation, je connais tes trucs Marcel, tu m’auras pas cinquante fois d’affilée!
Ça y est on part à Venise. Dans les premières lignes du chapitre, je comprends enfin quelle est cette maladie mystérieuse dont le narrateur souffre depuis le début du roman: il ne sait pas ouvrir ses volets tout seul. C’est toujours quelqu’un qui doit le faire pour lui.
Je ne sais pas pourquoi ça ne me saute aux yeux que maintenant. On s’est trimballés de chambre en chambre depuis 2500 pages et à chaque fois il faut une bonne âme pour ouvrir les volets. Point bonus si c’est Françoise, c’est l’occasion d’en dire une méchanceté.
Bref on est à Venise. Je vous dirai ce qui se passe une fois les volets ouverts.
Nous sommes repartis de Venise après un séjour bref mais riche en émotions! D’abord parce que le narrateur a failli rater le train du retour avec sa mère, mais surtout parce qu’en fait Albertine est bien vivante! Elle lui a écrit qu’elle voulait lui parler de mariage!
Je ne l’ai pas tweeté tout de suite parce que je sentais l’embrouille venir et pour cause: en fait c’était pas Albertine c’était Gilberte et c’était pas pour causer mariage avec lui mais avec Saint Loup.
À la fin du chapitre on apprend donc que le narrateur a confondu la signature de Gilberte avec celle d’Albertine, ce qui est sans doute l’artifice de narration le moins crédible depuis le corbeau et le renard. Mais bon.
Toujours est-il que Gilberte va épouser Saint-Loup et qu’Albertine, toute erreur de signature mise à part, est vraisemblablement toujours morte.
Pendant ce temps la mère du narrateur a décidé de passer le voyage en train a name-dropper toutes les duchesses qu’on a croisées depuis le début du bouquin et c’est pas très malin parce que du coup je lis ce passage avec la voix de Stéphane Bern.
On passe les pages suivantes à discuter de savoir qui a arrangé le mariage et pourquoi c’est une honte et qu’il n’y a plus de société ma bonne dame. Je comprends pas tout mais il faut dire que je m’en fous aussi un peu donc ça n’aide pas à l’immersion.
Que les proustolâtres me pardonnent ce dernier tweet mais vous avez mérité mon honnêteté, fut-elle brutale, après tout ce temps passé dans la Recherche: je ne veux pas vous faire de peine, mais le Faubourg Saint Germain Social Club, on s’en fout un peu hein.
Toutes ces circonvolutions pour arriver péniblement à nous dire que Saint Loup est « devenu » homosexuel sur le tard franchement, était-ce bien nécessaire?
Heureusement on termine le livre comme souvent avec un passage touchant: le narrateur et Gilberte, désormais mariée, qui se remémorent ce qu’ils n’avaient pas compris l’un de l’autre lors de leurs premières rencontres et envisagent un instant ce qui aurait pu être entre eux.
Bref, ainsi s’achève Albertine Disparue, de lecture assez plaisante, et qui va me permettre d’attaquer LE DERNIER TOME.
(Pause à des fins dramatiques)(ce fil reprendra après une page de vie réelle)
Dans les premières pages du Temps Retrouvé que j’entame ce soir on procède à l’élimination en règle de l’un des derniers personnages qui avait été relativement épargné jusqu’alors: ce bon vieux Saint Loup. On apprend donc en fort peu de temps que:
1) il a quitté l’armée avant son mariage et alors que la guerre approchait, bravo et vive la France;
2) en vieillissant il prend des airs « d’officier de cavalerie », en fait un vieux beau plus très frais ce qui est étonnamment raccord;
3) trompe sa femme mais s’y prend comme un mari de mauvaise comédie de boulevard et enfin
4) pris sur le fait, pleure et dit qu’il va mourir bientôt.
En revanche la trouvaille du soir, c’est le MEILLEUR mot d’excuse, à ressortir quand vous aurez pas envie d’aller à une soirée (c’est difficile à croire maintenant, mais ces jours reviendront, vous verrez) et qu’on attribue à M. de Guermantes: IMPOSSIBLE VENIR. MENSONGE SUIT.
Il faut bien admettre qu’en texto pour échapper au déménagement d’un vague copain ça a une autre gueule que vos réunions de famille inventées hein.
Toujours chez Saint Loup et Gilberte, le narrateur lit pour s’endormir le journal de Goncourt (comme tout le monde) et il y découvre que le salon Verdurin a été ancré pour toujours dans la littérature puisque l’auteur en parle.
Et il est tout chamboulé parce qu’il ne reconnaît pas les mesquins médiocres chez qui il a dîné jadis sous la plume dithyrambique de Goncourt, tout à fait emballé.
Enfin sauf par Brichot, ce qui est cruel parce que sa longue discussion sur l’origine des noms de villages dans un train deux tomes plus tôt était un passage passionnant (dont je ne vous ai pas parlé) et qui se fait rhabiller pour l’hiver en deux phrases.
La lecture donne envie au narrateur de retourner au salon des Verdurin, j’implore la clémence divine de nous épargner cela.
Cela dit le ton s’attriste dans ce dernier tome. On sent que le narrateur a vieilli, et je ne vous parle même pas de l’auteur qui était déjà mort à la publication
Le narrateur revient à Paris après un long séjour en maison de soins. Nous sommes en 1916, c’est la guerre et en lire la description en ces temps confinés ne manque pas de piquant.
Les musées sont fermés: la société parisienne coud donc (plutôt que de faire son pain) des robes au chic improvisé dont certains s’imaginent déjà qu’elles établiront de nouveaux canons de beauté pour le monde d’après.
Lequel monde d’après est l’objet de tous les espoirs et de toutes les réflexions qui n’engagent pas plus leurs auteurs que si elles étaient publiées sur Twitter. Ce sera mieux, on retrouvera l’essentiel, la fierté, on sera moins superficiel tout ça. Moi ça me rappelle des trucs.
Et pendant que les soldats sont dans les tranchées les femmes du monde font de la charité (en fait, se montrent dans les salons qui vont bien où l’on débat sans fin de la guerre entre gens de bonne éducation).
Ça me fait penser à ces vidéos de stars américaines qui parlent déprime et difficultés d’être confinées dans leur villa californienne de 600 mètres carrés. Ou à certains journaux de confinement dont, tiens, je réalise qu’ils n’ont pas été poursuivis au delà des 1ers épisodes!
Proust raconte ça avec une neutralité assez admirable. Je crois y déceler une once de sarcasme mais c’est très finement distillés, comme si l’auteur, se sachant de ce monde, avait eu la pudeur de ne pas faire de démagogie.
(Ce qui me renvoie à mon propre statut de nanti du confinement, confortablement logé et protégé du virus, à pérorer sur les réseaux sociaux au nom d’un monde travailleur que je n’ai plus croisé depuis longtemps)
Seigneur, suis-je un habitué du salon virtuel de la mère Verdurin?
On a oublié les vieilles querelles de l’affaire Dreyfus en passant. Rangé dans les vieilles histoires, les vieilles fâcheries, tout ça est préhistorique, c’est comme la ligue du lol c’était avant la guerre.
Il y a quand même les jusqu’au-boutistes, ceux qui ne font pas la guerre mais ne consentiront à la paix qu’une fois l’Allemagne découpée et l’empereur fusillé. Les maréchaux de plateau télé.

Je me demande si c’était une bonne idée cette lecture en ce moment finalement.
(Je me suis livré à un peu de copier coller supprimer avec mes gros doigts, le thread avait été coupé en morceaux)(vous voudrez bien me pardonner!)
On passe un peu de temps avec Saint-Loup. Je ne vous le détaille pas mais il y a des pages magnifiques sur un certain nombre de sujets qui me tiennent à cœur. Par exemple, le patriotisme militaire qui désespère du patriotisme braillard des salons.
Sur l’intimité du chagrin aussi. Sur le courage et son absence et sa plasticité dans le temps. On reparle de la bande de sous-offs de Doncières, joyeux et insouciants, partis se faire tuer sur la Marne et ailleurs.
Sur le soldat en permission qui regarde les dîneurs au restaurant d’un air triste pendant ses six jours loin du front. À la fin, la Recherche semble se pencher vers moi pour me parler de trucs que je connais déjà un peu.
Cela dit, ça ne va pas nous empêcher de ricaner un peu. Notamment avec Françoise qui commente les communiqués du GQG avec la même sagacité que mes tontons de Facebook devenus épidémiologistes commentent l’évolution de la pandémie.
Ou avec Gilberte qui fuit Paris pour Tansonville, pour voir 2 jours après sa maison de campagne occupée par les Allemands.
L’équivalent de cette famille de Parisiens ayant renoncé à leur exil rural au début du confinement parce que le wifi était pourri. KARMA, BITCH!
Allez un dernier truc intéressant avant de faire une pause: Saint Loup écrit une lettre au narrateur où il convient que ces formules fédératrices "on les aura" et tout ça que tout le monde dit bien sûr c'est un peu agaçant...
Mais que derrière, les gens de rien, les gens normaux font preuve de tellement d'héroïsme qu'on ne peut pas se tordre le nez, que ça rend fier de faire partie d'un peuple. C'est bouleversant, mais ça me fait aussi penser à un truc.
Je me souviens tous les esprits supérieurs qui disaient "on est pas Charlie", "c'est un truc de mouton", tous ceux qui étaient trop élégants pour s'associer à la ferveur ou à la liesse, qui préfèreraient crever plutôt que d'être heureux ou triste avec des gens pas de leur milieu.
Je me rassérène, comme souvent, de savoir que ces postures de libre penseur ne sont finalement pas nouvelles. Et en même temps, on le savait déjà que les officiers du 19e siècle pensaient que tout partait en couille et qu'il fallait désespérer de la France hein.
(ce raisonnement n'aura pas de conclusion, je suis pas là pour faire la morale à qui que ce soit, juste pour noter les trucs intéressants dans ma lecture de Proust, sur ce je vais aller déjeuner et reprendre quand j'en aurai envie).
La mère Verdurin qui cancane sur Charlus au plus bas, c’est bien la preuve que même au faîte de leur ascension sociale l’élégance est quelque chose que certains n’acquièrent jamais.
Lequel Charlus nous gratifie d'une analyse de la guerre sous l'angle de ses marottes habituelles: Guillaume II est un hobereau de province, un parvenu et un nouveau riche, et le tsar des Bulgares est une "vieille coquine".
(je suis méchant parce qu'avant ça il y a eu tout un passage très chouette sur la tragédie charlusienne d'être trop intelligent et trop peu porté sur le compromis pour qu'on lui pardonne sa germanophilie)
(et aussi des trucs plus discutables sur l'honnêteté absolue des Anglais)
Enchaîner autant de passages merveilleux avec une scène de bordel aussi bâclée que vulgaire: je crois que je suis tombé sur le faux-pas de ce dernier tome posthume dont @Pierreschneider m'avait averti. J'espère, du moins, que c'est ça parce que c'est très triste et décevant.
En revanche, l’auteur qui brise le 4e mur pour venir prendre son lecteur entre quatre yeux et lui dire, à voix haute, l’héroïsme discret et admirable des cousins de Françoise, et les nommer pour l’éternité, on ne m’avait pas menti, c’est bouleversant.
Lu quelques pages avant de déjeuner sur la mort de Saint-Loup. C'est très beau, très triste, et, comme souvent quand on fait intervenir Françoise, très méchant sur l'hypocrisie du chagrin quand on sent qu'il faudrait en avoir et qu'on se tire soi-même des larmes.
Comme c'est Proust, on envoie aussi un petit tacle aux élus et coqueluches d'après-guerre, et notamment cette crapule de Jupien, élu député dans son uniforme de la territoriale quand son seul fait d'armes (à ce stade de ma lecture) est d'avoir tenu une maison de passe.
Je pense que les vétérans de la Recherche doivent bien ricaner en me voyant peu à peu prendre conscience de l'ampleur de ce truc, arriver péniblement aux mêmes conclusions que des millions de lecteurs avant moi. Comme quand on regarde un gamin enlever les roulettes de son vélo.
Sinon, ce matin, je suis tombé sur le fameux faux pas, dont j'avais fini par comprendre que c'était au sens littéral qu'il fallait le comprendre.
C'est beau comme quand un moment absurde vous fait prendre conscience d'un truc qui va devenir immense dans votre vie.
Je n'en dirai pas davantage parce que si vous avez lu la Recherche, vous savez déjà, et si vous ne l'avez pas encore lue, vous méritez d'arriver jusque là sans qu'on vous gâche le moment.
hashtag ascenseur émotionnel
Oh la la ça va être compliqué de se remettre à écrire après avoir lu ça.
Je comprends, au fond, pourquoi autant de gens qui écrivent affirment tout fièrement qu'ils ne lisent pas. Tant qu'on ne connaît pas les gens à qui on se mesure on a rien à craindre d'eux.
Et donc moi, j'ai été publié dans la même collection que lui?
Cette blague.
*Syndrome de l'imposteur intensifies à mort*
L'intrigue s'est désormais complètement arrêtée pour que Proust délivre son masterclass sur la création littéraire (et artistique au sens large).
Ce livetweet étant plutôt centré sur le projet de se moquer des duchesses risque donc d'être moins détaillé dans les jours à venir.
J'en suis par ailleurs au stade de ma lecture où je mets à profit la moindre pause café sur ma journée de boulot pour avancer de deux pages en deux pages.
Je suis plus très loin de poursuivre la lecture pendant le sport ou sous la douche.
Le narrateur parle du chagrin comme carburant de l’art et prend l’exemple d’Albertine qui « entrait chez lui comme un chien et lui faisait perdre son temps et sa fortune » alors que, pardon d’insister, il LA SÉQUESTRAIT. Mec t’es un génie ok mais faut pas pousser non plus hein
Et l’autre qui espérait que ça passerait crème autour du déballage de son chef d’œuvre, là.
Sorti de son masterclass, le narrateur se retrouve donc enfin dans le salon de la duchesse qu’il était venu visiter. Ouf! J’ai craint qu’on entende jamais plus parler des salons parisiens j’étais sur le point de me trouver mal.
Mais voilà, depuis le coup du pavé, il voit tout le monde vieux: ils sont tous blanchis, flétris, empesés, et lui aussi est vieux tout le lui hurle, quel cauchemar, tu vas voir que bientôt il va se prendre les pieds dans sa barbe.
Je me demande si c’est pareil dans la vraie vie un instant et puis je me souviens d’être arrivé à la scolarité du diplôme d’état major et d’avoir retrouvé un bon quart de ma promo avec plus de ventre et moins de cheveux. Et c’était il y a sept ans! Doux Jésus.
Tiens justement, le narrateur croise un sous-lieutenant qui le regarde soudain comme un grand père, ce qui le révolte! Je connais bien ça, @etagereslivres devrait prendre des notes, c’est imminent pour lui aussi.
Moi: "tiens, c'est nouveau, cette description de tout ce beau monde qui a vieilli, je me demande où Proust m'emmène."
Proust qui s'apprête à dégainer ses 80 pages de description de la vieillesse:
Ah, le passage obligatoire sur le fait que c’est plus ce que c’était la haute société: la mère Verdurin est devenue une Guermantes par mariage, le narrateur est comme ça
(Ceux qui trouvent le temps long: je suis aux 4/5e du dernier tome. On en voit le bout).
N’empêche que je me souviens du moi d’il y a 50 pages presque déçu à l’idée qu’on ne me parlerait peut être plus de duchesses et de salons. Comme j’étais jeune et naïf à l’époque.
Rachel (l’ex de Saint Loup) qui se troue en récitant de la poésie et toute l’assistance est comme nous devant Madonna aux dernières victoires de la musique (ou autre truc équivalent). On nous avait annoncé un truc de dingue et on avait eu une dame mûre qui chantait faux.
Sinon grosse thématique récurrente « on cause avec des vieilles dames qui sucrent un peu les fraises »
dans ces dernières pages. J’ai trop joué à Worms dans ma vie je m’attends presque à ce qu’il y en ait une qui explose.
Je vous abrège les derniers développements: tout le monde a couché avec tout le monde, c’est encore plus incestueux que les dernières saisons de Friends ou les classes de troisième d’un lycée de campagne.
On alterne tout de même avec un truc très juste: on ne se méfie jamais assez des femmes qui ne sont « pas notre genre » qui finissent par vous rendre fou et auxquelles on doit généralement nos plus grands chagrins.
On présente au narrateur la fille de Saint Loup. Cette fois, c’est la fin. Il retrouve les traits de son ami. Il pense au livre à écrire où il parlerait de lui mais en fait chacun y lirait de soi.
Et moi qui ne voyais pas alors que tout était là depuis le début.
Tout de suite après l’idée qui déclenche tout, l’angoisse de ne pas y arriver, de n’avoir pas assez du temps qui reste pour construire sa cathédrale.
Mais aussi toutes les fois avant où je me suis reconnu caché dans les recoins de phrases.
Les mêmes joies, les mêmes chagrins, les mêmes traits amusants et agaçants. J’ai ricané beaucoup pendant ma lecture sans comprendre tout de suite que c’était sur moi que je riais.
Voilà. J’ai trouvé la clé. Il me reste une poignée de pages.
Le narrateur est reclus. Il ne fait plus rien d’autre. Il écrit. C’est urgent. J’ai connu cette obsession, le jour de l’idée de la forme de ce qui allait devenir Jonquille. Encore une fois, une dernière fois, il parle des duchesses qu’il délaisse et il me parle de moi.
Voilà. J’ai lu Proust. C’était bien et c’était moins bien par moments mais c’était important. Et surtout c’était le bon moment.

Merci à ceux qui ont suivi ce livetweet idiot jusque là et aussi à ceux qui en ont eu marre bien avant.

Mitch, out.
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