Puisque cette histoire de loi N°73-7 sur la Banque de France du 3 janvier 1973 (a.k.a. #LoiDe1973 ou loi Pompidou-Giscard-Rothschild) qui serait responsable de notre dette publique courre toujours, je vais (encore) en remettre une (bonne) couche. #Thread
De la création du nouveau franc (1er janvier 1960) à la première mise en application de la Loi de 1973 (le 21 décembre 1973, loi no 73-1121), le Trésor pouvait effectivement emprunter de l’argent sans payer d’intérêts auprès de la Banque de France.
Cette possibilité était naturellement encadrée ; trois comptes de la Banque de France étaient prévus à cet effet : les ‘Avances à l’Etat’, les ‘Prêts à l’État’ et les ‘Bons du Trésor sans intérêt’.

Vous pouvez retrouver l’évolution de ces comptes ici :
https://www.banque-france.fr/sites/default/files/media/2017/09/11/annhis_concoursautresor.txt
Ce qu’il se passe avec la loi de 1973, c’est tout simplement qu’on les regroupe en un seul et unique compte : les ‘Concours au Trésor Public’.

Graphiquement, ça ressemble à ça (les données s’arrêtent au 21 mars 1974) :
Le principe retenu par la loi, c’est que la limite de ce nouveau compte est fixée par une convention entre le ministère des finances et la Banque de France. Initialement, c’était 10.5 milliards de francs mais ça a vite augmenté : en 1974, ça passe à 13.7 milliards de francs.
Si la série fournie par la Banque de France s’arrête au 21 mars 1974, ces Concours (gratuits) au Trésor Public continuent et ils augmentent.

Le 23 janvier 1992, quelques jours avant la signature de Maastricht, ils étaient encore portés à 40,3 milliards. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6496701b/f230.image
Et donc, rien n’a changé. Entre fin 1973 et début 1992, l’État pouvait toujours emprunter gratuitement auprès de la Banque de France et les montants ont même quadruplé. La loi de 1973 n’a fait qu’officialiser et simplifier une situation déjà existante.
On entend souvent des gens affirmer qu’à l’époque, l’État n’avait pas de dette émise sur les marchés financiers et ne payait donc pas d’intérêts.

Ci-dessous, un extrait l’Annuaire statistique de la France (année 1977).
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6493025d/f706.item
Les ‘Engagements envers l’institut d’émission’ correspondent aux ‘Concours au Trésor Public’ c’est-à-dire que ce sont les fameux prêts gratuits de la Banque de France au Trésor. En moyenne, ils pèsent à peine 7.4% de la dette de l’État (hors dette des PTT).
Le reste, c’est principalement la dette à court terme (notamment des bons du Trésor émis sur les marchés), des ‘Emprunts à long terme émis sur les marchés financiers’ (c’est explicite) et même de la dette extérieure (dans des devises autres que le franc).
(La ‘dette perpétuelle’, c’est une forme d’obligation qui n’a pas de date de remboursement prévue. Ce genre de choses ont longtemps été les valeurs les plus importantes de la bourse de Paris mais là, on est à la fin de cette époque.)
(L’augmentation de la dette à long terme en 1973, c’est l’emprunt Giscard : 6.5 milliards de francs à 7% sur 15 ans et… indexé sur l’or. Le machin finira par coûter, capital et intérêts, quelque chose comme 92 milliards de francs.)
Pour ce qui est du coût de la dette, une petite comparaison basée sur les données de l’Insee s’impose. En 2018, notre dette publique totale nous a coûté 40.3 milliards d’euros d’intérêts soit 3.1% de la dépense publique (1 318.6 milliards).
Eh bien figurez-vous qu’en 1960, avec 0.5 milliards d’euros d’intérêts pour 16.2 milliards de dépenses, le ratio était identique : 3.1%. C’est-à-dire que le poids des intérêts dans la dépense publique est *le même* (voir le fichier 3.201).
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4131414?sommaire=4131436
Notez que c’est monté beaucoup plus haut : en 1997, la charge de la dette représentait 6.5% de la dépense publique. C’est une conséquence de l’inflation des années 1970-80 : on nous réclamait alors des taux beaucoup plus élevés pour compenser la dépréciation du franc.
(Sur des emprunts à 10 ans, on payait plus de 15% au début des années 1980 !).
Bref :
1/ Bien avant 1973, l’État s’endettait sur les marchés financiers et payait des intérêts conséquents sur cette dette.
2/ La loi de 1973 n’a absolument rien changé aux financements gratuits que la Banque de France accordait au Trésor.
Alors pourquoi toute cette histoire sur cette loi ? Eh bien parce qu’une bande de clown à roulettes sont tombés un jour sur l’article 25 de cette loi qui dit que « Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres Effets à l’escompte de la Banque de France. »
Or, nos clowns à roulettes ne savent absolument pas ce que ça veut dire « présenter des effets à l’escompte de la Banque de France » et ne comprennent pas que ce qu’on interdit dans cet article, c’est un tour de passe-passe bien sale, déjà interdit depuis longtemps.
Et comme nos clowns à roulettes sont aussi pressés qu’incompétents, ils oublient de lire le reste de la loi, notamment l’article 19, qui autorise explicitement les avances et prêts de la Banque de France au Trésor.
https://www.banque-france.fr/sites/default/files/arrete.pdf#page=374
De là, nos clowns à roulettes — qui n’ont aucune notion de l’histoire de nos finances publiques — en ont conclu que Giscard avait vendu les intérêts de la France aux marchés financiers. D’où, pensent-ils, notre dette publique abyssale.
Bref, tout est faux dans cette histoire, sans le moindre doute possible et vous pouvez considérer sans risque de vous tromper que toute personne qui continue encore, aujourd’hui, à défendre cette idée inepte est un imbécile irrécupérable. #Fin
Si vous voulez en savoir plus, avec plein de sources dedans, j’avais écrit ça :
https://ordrespontane.blogspot.com/2018/12/la-loi-pompidou-giscard-encore.html
Non, plus depuis Maastricht.
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