On part pour la dernière ligne droite de la vie de Tolstoï ! Je ne vous spolie pas l’année de sa mort, mais il est né en 1828 et là on est en 1904.
(C’est la suite de ce thread https://twitter.com/margueritescc/status/1128393626130812928?s=21)

Donc après son séjour de santé en Crimée, Tolstoï est de retour à Iasnaia Poliana, où Sonoa règne en maître vu qu’elle fait littéralement tout : le courrier, les comptes, recenser les articles de journaux, etc
Tolstoï n’écrit plus de romans, mais il rédige encore beaucoup d’articles pour commenter l’actualité au prisme de sa religion tolstoïenne : la guerre russo-japonaise, les troubles de 1905... partout il prêche la non-violence, mais personne ne l’écoute car c’est trop le bazar
En 1906, Sonia tombe malade et est à l’article de la mort. Dans ses derniers moments, elle redevient douce avec Tolstoï, qui espère qu’elle mourra dans ces bonnes dispositions chrétiennes.

Il est littéralement déçu en apprenant qu’elle survit (c’est sa fille Sacha qui le dit).
A la fin de l’année, c’est sa fille préférée, Macha, qui meurt en une semaine, vers 35 ans, d’une pneumonie.

Journal de Tolstoï : « On vient de l’enterrer. Grâce à Dieu, je conserve bon moral. »

EH BIEN FORMIDABLE, C’EST TOUT CE QUI COMPTE 👍👍👍👍
En vrai, la mort de sa fille Macha ramène Tolstoï à ses vieilles angoisses, à la nuit d’Arzamas, et il confesse un peu plus tard : « Ce quart d’heure [le dernier de la vie de Macha, quand il était à son chevet] est l’un des plus importants et des plus graves de mon existence. »
La vie quotidienne se poursuit à Iasnaia Poliana, Tolstoï écrit des articles commente l’actualité politique, car beaucoup veulent son opinion sur les événements houleux des années 1900 en Russie.
D’ailleurs des paysans se révoltent un peu partout... y compris chez lui.
« Chez lui » ? Non ! Car rappelez-vous, il a tout donné à Sonia pour être pauvre. Donc elle, direct elle demande la protection du gouverneur, et Iasnaia Poliana reçoit des gardiens armés.

Tolstoï est horrifié vu qu’il est maintenant en mode ACAB
Mais il ne peut rien faire, il se sent souvent faible : on est en 1908, il a 80 ans, tombe souvent malade. Mais il a encore des projets de roman, notamment un dans lequel un jeune prêtre, ayant lu Tolstoï, a la brusque révélation des grands problèmes de l’humanité 👍👍👍
Chez les Tolstoï, il y a une ambiance atroce. Présentation des personnages de la pièce :
-un vieux déprimé et constamment vnr qui rêve de s’enfuir pour échapper à la foule
-la foule qui envahit tout le temps la baraque en mode « TOLSTOÏ !!! 😍😍 »
-l’épouse qui essaye de gérer
...qui essaye de gérer la foule envahissante, le mari fatigué, et les finances, notamment grâce aux négociations de droits d’auteur
-le disciple fou, Tchertkov, qui est genre la nouvelle femme de Tolstoï : toujours là, main-mise sur tous ses papiers, contre les droits d’auteur
État des relations entre Sonia et Tchertkov :
Tolstoï est pris en étau entre Tchertkov, qui le range de son côté à force de l’abrutir de reproches comme quoi il manquerait à ses propres principes, Sonia, qui passe derrière en pleurant et le fait changer d’avis, et Sacha, la nouvelle fille préférée, pro-Tchertkov.

Tolstoï :
Le rêve de Tolstoï c’est la fuite, on a vu qu’il était souvent tenté de le faire, mais à chaque fois il se dit qu’il ne faut pas abandonner sa famille, qu’il a quand même son confort ici, bref il professe un mode de vie et voit que lui-même ne peut pas le suivre donc grosse crise
Vous vous doutez bien que, notre écrivain approchant de la mort, ces tensions (qui se font au milieu d’une nuée constante de curieux et d’admirateurs venus sur place) vont se cristalliser et partir en live autour d’un sujet :
Vous vous rappelez que Tolstoï avait donné tous les droits à sa femme sur ses œuvres d’avant 1881, c’est-à-dire d’avant sa « seconde naissance », les suivantes devant être libres de droit.

Maintenant Tchertkov lui souffle « rends tout libre de droit », et quand Tolstoï hésite :
Donc ça défile devant Tolstoï, qui ne sait plus quoi décider et en a juste trop marre de ses conseillers envahissants et de sa femme hystérique et est tout le temps malade et espère qu’il va mourir vite vu qu’il ne peut pas s’enfuir parce que c’est trop la dèche
Tolstoï est très «après moi le déluge», il trouve que ce serait plus simple de mourir sans rien décider à ce sujet MDR et aimerait que Sonia vende ses biens et libère leurs gens, sans comprendre que son repas n’apparaît pas par magie et que les docteurs ne sont pas bénévoles 😬
Tchertkov s’immisce entre Sonia hystérique et Tolstoï las comme un mauvais génie. Sonia, déchirée d’être écartée de son mari comme une folle dangereuse, fugue souvent et menace de s’empoisonner à l’opium ou de se jeter sous un train. Sacha, leur fille, prend le parti de son père.
Sonia écoute aux portes, étouffée de rage face aux conciliabules secrets de Tchertkov, Tolstoï et Sacha.

Tchertkov lui sort qu’elle n’a aucun droit de s’immiscer « entre le maître et le disciple », et que s’il avait une femme comme elle, il se serait suicidé depuis longtemps.
Le nouveau combat de Sonia, c’est le Journal de Tolstoï : elle veut récupérer les cahiers à sa mort, craignant qu’un biographe ne dénature sa relation avec Tolstoï à cause de passages écrits par lui dans la colère.

Mais qui veut les récupérer aussi ?

TCHERTKOV BIEN SÛR
Nouvelles crises, Sonia obtient gain de cause et Tolstoï demande à Tchertkov de rapporter les journaux (car il les a embarqués).

Tchertkov et son squad, avant de les rendre, épluchent chaque page pour recopier les phrases qu’ils trouvent contre Sonia, au cas où elle en supprime.
Mais les Journaux doivent, tant que Tolstoï est vivant, être déposés à la banque. On les reprend donc à Sonia, elle crise, dit à Tolstoï qu’elle a bu une fille d’opium pour mourir, puis que c’est pas vrai, Tolstoï lui dit :

Si ça continue

JE

ME

CASSE
Finalement c’est Sonia qui se casse, elle part avec son passeport, une fiole d’opium et un revolver, après avoir rédigé un communiqué pour la presse (oui).

À 19h elle est de retour à la maison en mode « pardoooon 😭😭😭 »

Tolstoï décide d’éloigner un peu Tchertkov.
Sacha participe à ces manigances et notamment au testament qu’a fait Tolstoï avec Tchertkov, où il déshérite sa famille.

N’oublions pas que Sacha déteste sa mère car à la mort d’un des enfants, Sonia a pleuré en disant « oh non pourquoi c’est pas Sacha qui est morte »
Sonia et les enfants qui l’aiment sont sûrs qu’il y a un testament secret et fouillent tout, Tolstoï est là en mode « testament quel testament hum hum », il écrit tous les jours à Tchertkov, et maintenant Sonia pensent qu’ils ont une relation homosexuelle
Sonia est aussi paranoïaque car elle ne se sent plus aimée, et c’est sa quête d’une seule miette d’amour de la part de Tolstoï qui la pousse à toutes les extrémités.
1910, vacances familiales en Crimée, nouvelles scènes de fugues éperdues, de poursuites en pleine nuit, de crises.
Pour leur 48e anniversaire de mariage, Sonia demande à être photographiée avec son mari. Accrochée à lui, elle le regarde en le suppliant d’avoir un sourire, un mot gentil, mais comme on peut le voir Tolstoï pose en mode « je veux crever »
Sacha, qui hait sa mère, trouve honteux cette photo « couple modèle » alors que Tolstoï a ôté les photos d’elle et Tchertkov de son bureau. Tempête —> il les remet.

Sonia, profitant de son absence, tire sur le portrait de Tchertkov remis, le déchire, et le jette aux cabinets 🔫
Une nuit, Tolstoï se réveille en entendant Sonia fouiller ses papiers, et là, plus de retour possible, son envie maintes fois renouvelée et jamais accomplie jusqu’au bout se réveille :

LA FUITE.

Il prévient Sacha, puis réveille son docteur et tous deux partent à 4h du matin.
Tolstoï se rend au couvent d’Optina, puis loue une isba au village de Chamardino : finir ses jours à l’ombre des arbres et du monastère, seul, méditatif, exauçant son vœu de pauvreté, enfin ! Il songe avec remord à Sonia, mais savoure la joie d’être libre d’elle et de Tchertkov.
Pendant ce temps, Sonia se réveille et trouve la lettre laissée par son mari. Elle se jette dans l’étang trois fois, mais est sauvée chaque fois, et finit par écrire à Tolstoï une lettre que, comble de l’humiliation, il faut remettre à Sacha qui la hait mais sait où est son père
Le répit de Tolstoï est de courte durée : craignant d’être traqué, il décide d’à nouveau mettre les voiles et prend le train avec son docteur et sa fille Sacha.
Entre-temps, la nouvelle de sa fuite s’est répandue dans les journaux, et partout des journalistes le guettent
Dans un train cahotant et étouffant, Tolstoï est repris d’un malaise. Sacha angoisse qu’ils soient si démunis et loin de la maison (MDR). Ils finissent par descendre dans la petite gare d’Astapovo, où le chef de gare les accueille chez lui. Tolstoï a 40 de fièvre.
Sonia, apprenant qu’il est à Astapovo, fonce à la gare : le dernier train vient de partir ! Elle en fait affréter un deuxième spécialement pour elle et sa famille et part retrouver son mari mourant.
Sacha lui interdit l’accès de la maison et cache à son père l’arrivée de sa mère. Celui-ci, très faible, est entouré de ses fidèles tolstoïens.

Sonia regarde amèrement se relayer Tchertkov et Dieu sait quels éditeurs divers dans la maison dont on lui interdit l’accès.
Tout ça se joue au milieu d’une foule de curieux, de reporters, de caméras, d’admirateurs. Les télégraphes inondent la maison, le téléphone sonne sans arrêt, le gouvernement envoie de la police, craignant des débordements de foule.
Puis l’état de Tolstoï s’aggrave brusquement. Sacha refoule les évêques venus le ramener à l’Église avant sa mort, et laisse entrer sa mère qui se met à prier près du lit en tenant la main de son mari.

Et c’est ainsi que Tolstoï mourut dans une gare, chez un inconnu.
Voilà nous sommes arrivés ensemble à la page 838 de la biographie de Tolstoï par Henri Troyat, la dernière merci à tous pour ce voyage livresque de longue haleine 😁📖

Et à présent le portfolio :

Tolstoï jeune (avec, à droite, son frère Nicolas) ; Sonia jeune
Ses filles dont on a parlé :
-Tania, qui laissa tomber le vœu de pauvreté tolstoïen et épousa jeune un veuf d’une cinquantaine d’années
-Macha, qui mourut à 35 ans
-Sacha, celle qui n’aimait pas sa maman
Tchertkov 😠 (à droite) (à gauche, c’est Tolstoï)

punaise je le hais 😂😾😾😾
Pour ceux qui ont raté le début, voici le premier tweet du thread : https://twitter.com/margueritescc/status/1106585267367014400?s=21
Si vous voulez revivre la fin de ce thread, je vous conseille « Tolstoï, le dernier automne », en anglais « The last station » (Michael Hoffman, 2010), où Christopher Plummer et Helen Mirren font des époux Tolstoï extraordinaires 🎥
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