Hier, c'était Lundi de Pâques. Laissez moi vous parler d'une tradition spécifique au rite chaldéen, à savoir une prière-pièce de théâtre qui met en scène l'arrivée du bon larron au paradis face à un chérubin, gardien des portes du paradis, choqué.
Petit rappel. Lors de la crucifixion, il y avait 2 bandits qui étaient crucifiés avec Jésus-Christ, à sa droite et à sa gauche.
Là où le bandit à gauche provoque JC en lui demandant de se sauver lui-même et eux par la même occasion, celui à droite tient un autre discours,
en dénonçant l'injuste condamnation de JC qui n'a rien fait de répréhensibles, comparé à eux. Il demande alors à JC de se souvenir de lui. Ce à quoi JC lui répond «En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis.»
(L'extrait complet : Luc 23, 39-43)
Vous obtenez alors le "bon larron" et "le mauvais larron".
Au cours de cette prière, il est dit que JC demande au bon larron d'aller rouvrir les portes du Paradis. Imaginez un peu la réaction du Chérubin, gardant les portes du paradis, quand il le voit venir.
S'ensuit alors une joute verbale et physique, où le chérubin domine le bon larron, jusqu'au moment final où le bon larron, voyant que le chérubin refuse d'écouter les arguments d'un pêcheur et criminel, lui montre la croix de JC.
Le chérubin cède, laisse le bon larron aller rouvrir les portes. Le bon saisit la lance du Chérubin, la brise, et se réconcilie avec ce dernier.

Au delà de la pièce jouée et qui fait rire, il s'agit surtout d'une illustration du Salut promis et permis par le Christ.
Bonus : cette année, c'est encore moi qui incarnait le bon larron.
Petite danse de la victoire autour du Chérubin 👀
Mes excuses, j'ai oublié d'indiquer le nom de cette prière-pièce de théâtre : la Gayassa, littéralement "Le Larron" en français, et en soureth
ܓܲܝܵܣܵܐ
Alors, j'hésite à vous fournir la traduction exacte car la seule que j'ai sous la main, c'est un texte légèrement différent de celui qu'on utilise en pleine messe, vu qu'il y a une partie chantée par un 3e groupe (les autres diacres ou une chorale), mais soit.
je vais juste vous retransposer le texte traduit, on verra combien de tweet ça prendra.
Chérubin :
Homme ! Dis moi qui t'envoie ? Que veux-tu ? Comment es-tu venu ?Quelle raison te conduit jusqu'ici ?Révèle et explique moi qui te guide
Larron : Puisque tu me questionnes, je te réponds. Baisse ta lance, écoute moi. Je suis un criminel, un brigand, mais qui a demandé miséricorde, et c'est ton Maître lui-même qui m'envoie jusqu'ici.
Chérubin :
Par quel pouvoir es-tu venu ?
Et qui t'a fait cheminer jusqu'ici vers ce territoire si redoutable ?
Et qui t'a fait franchir la mer en feu ?
Et qui donc t'a envoyé pour entrer en Eden ?
Larron :
C'est par le pouvoir du Fils, qui m'a envoyé, et venir sans empêchement.
Et [c'est] par sa puissance que j'ai pu vaincre toutes les forces contraires et que je suis là pour entrer, comme il m'en a donné l'assurance.
Chérubin :
Tu es donc bien un larron comme tu le reconnais.
Mais mon territoire ne sera point envahi, pillé, volé.
Il est entouré par cette lance que je tiens et qui le protège.
Homme, retourne sur tes pas car tu fais fausse route.
Larron :
Oui, j'étais bien un bandit, mais j'ai changé et je suis venu ici ni pour envahir, ni pour piller, ni pour voler, et j'ai moi-même la clé d'Eden pour ouvrir et entrer, sans que quiconque puisse m'en empêcher.
Chérubin :
Mon territoire est redoutable et personne ne peut le fouler.
Ses fortifications sont un feu indomptable.
Le fer de lance qui les entoure est embrasé et cette lance de feu les surveille.
Larron :
Ton territoire est redoutable comme tu le dis, jusqu'à cette heure où ton Maître, étant monté sur la croix, fut transpercé d'une lance.
Et depuis cet instant, ta lance est émoussée.
Chérubin :
Depuis le jour où Adam fut mis à la porte, je n'ai vu personne se présenter ici.
Ta race est bien rejeté, et toi qui en sors, tu ne peux entrer.
Larron :
Oui, je sais que depuis le péché d'Adam, ton Maître est fort en colère contre ma race.
Mais il s'est réconcilié et il a ouvert la porte.
Donc il est inutile que tu te tiennes là.
Chérubin :
Il faut que tu le saches, il est impossible qu'un homme pécheur puisse entrer ici.
Et toi, un assassin, un criminel, qui t'a guidé sur la terre des saints ?
Larron :
Il faut que tu le saches, c'est ainsi qu'en a voulu le Sanctificateur des pécheurs.
Celui qui a été crucifié avec moi, il m'a lavé par le sang de son côté, et c'est Lui qui m'envoie au paradis.
Chérubin :
Homme, va-t'en, hors d'ici ! Arrête de palabrer.
Tu m'offenses assez comme cela.
Car moi j'ai l'ordre exprès de protéger de ta race par cette lance l'arbre de vie qui se trouve ici.
Larron :
Vas, informe-toi et regarde, Chérubin, le fruit de la Vie qui est dans ton jardin.
Voici que tu l'as laissé suspendu au Golgotta.
Sache que ma race entrera de nouveau et qu'il n y sera point fait empêchement.
Chérubin :
Adam et Eve ont signé un livre de dette et elle n'est pas encore éteinte par la reconnaissance de son remboursement.
N'ont-ils pas quitté cet endroit afin d'être humiliés sur une terre pleine d'épines ?
Larron :
Écoute Chérubin, cette dette est restituée, et voici le livre où elle fut couchée, clouée à la croix.
Ton Maître l'a effacée par le sang et l'eau, et l'a détruite par les clous.
Voilà comment elle est éteinte.
Chérubin :
Ta race est expulsée du jardin et en aucune manière ne peut venir ici.
Le fer de ma lance tourne.
Celui qui approche sera transpercé.
Larron :
Celui qui a été expulsé retourne à nouveau dans la maison de son Père.
Et voici que le bon Pasteur retrouvera la brebis égarée, et qu'il la portera sur ses épaules avec honneur.
Chérubin :
Aujourd'hui, j'aperçois une chose nouvelle sur le chemin qui mène au jardin d'Eden.
Voici que je vois les traces des pas d'Adam.
Et pourtant, depuis qu'il est sorti d'ici, il n'est plus revenu.
Larron :
Jésus ton Maître a fait une chose nouvelle.
Il a libéré Adam qui était lié et il a ressuscité les morts du tombeau.
Et il m'envoie le premier pour leur ouvrir la porte.
Chérubin :
Je suis le Chérubin, comment peux-tu passer outre alors que la garde m'en a été confiée.
Moi, ne suis-je pas feu, flamme invisible et n'es-tu pas un fils d'Adam ?
Quelle témérité !
Larron :
Ne-suis je pas ton semblable ?
Et n'avons-nous pas un seul Maître en commun ?
Son pouvoir n'est-il donc pas au-dessus du mien et du tien ?
Et c'est bien pourquoi je n'ai pas peur d'entrer.
Chérubin :
Tu ne peux entrer ici.
C'est un lieu qui ne peut être foulé.
Le Trône de Dieu y est honoré et la lance de feu le surveille.
Larron :
Tu ne peux empêcher personne, ta lance est désormais rompue !
La croix a ouvert le jardin d'Eden, il n y a plus lieu de le fermer.
Chérubin :
Tu n'as jamais entendu parler des Écritures ?
Qu'est-ce qu'un chérubin ?
Et une lance qui tourne pour surveiller le chemin du jardin d'Eden et pour que les enfants d'Adam n'entrent pas ?
Larron :
Toi, tu n'as pas vu dans la révélation que ton Maître est descendu et qu'il a revêtu notre chair ?
Et qu'il a sauvé Adam qui était perdu ?
Qu'il le fait retourner en Eden dont il fut expulsé ?
Chérubin :
Ce feu et cette lance qui tourne pour protéger l'arbre de Vie, et dont en passant Adam s'effraya tant, toi, comment ne les craindrais-tu pas ?
Larron :
J'ai sur moi le signe de ton Maître, par lequel la lance et l'épée sont cassées, rompues, réduites en miettes, et par lequel le décret du jugement est aboli.
Adam expulsé peut revenir.
Chérubin :
Voici les phalanges de feu qui se tiennent debout, ici, et il y en a des foules innombrables.
Ce sont des masses redoutables, tu ne peux passer entre elles et les traverser.
Larron :
Les foules dont tu me parles, en voyant le crucifié, la peur s'empare d'elles.
Et le signe du Fils les effraie.
Elles l'adoreront, puis elles me respecteront.
Chérubin :
Le signe de mon maître siège sur le Trône et il nous est caché.
Et toi, comment peux-tu dire que tu le portes avec fierté ?
Larron :
En haut sur le Trône réside sa Gloire.
Et en bas, voilà sa Croix sur le calvaire.
Et par son Sang, Il a écrit un nouveau message pour faire revenir Adam au jardin d'Eden.
Chérubin :
Homme sans tête, qui t'a fait venir ?
Assassin qui t'a envoyé ?
Voici le fer de lance qui s'enflamme contre toi, devant ta face.
Et cette lance te surveille.
Larron :
Serviteur du Roi, ne crains pas.
Ton Maître a voulu que ton pouvoir soit aboli.
Je t'ai amené le signe qui est la Croix.
Si tu es certain, ne t'irrites pas.

(à ce moment, le Larron sort la croix qu'il avait caché et la montre au Chérubin)
Chérubin :
Tu m'apportes la Croix du Fils.
Je ne peux la regarder.
Elle est véritable et redoutable.
Voilà que désormais tu ne peux être empêché d'entrer en Eden parce qu'Il en a voulu qu'il en soit ainsi.
Larron :
La Croix du Seigneur a abattu le mur levé entre toi et moi.
La colère passe et la Paix s'instaure.
Le chemin d'Eden ne sera plus barré.
Chérubin :
Le crucifié, il t'envoie m'avertir par son sang de jeter la lance que je tiens.
N'est-il pas redoutable le signe que tu apportes ?
Mais entre donc, ô héritier.
Larron :
La résurrection est pour le genre humain, pour ceux qui étaient expulsés de leur patrie.
Les anges et les chérubins se sont réjouis avec vous parce que vous êtes enfin arrivés dans votre cité.
Chérubin :
Fils d'Adam qui pécha et mourut, immense est la Miséricorde qui t'a été faite.
Entre donc, ô bon larron, tu ne peux être empêché, la porte est ouverte à ta race.
Larron :
Immense et splendide est la Clémence du Seigneur.
Sa Miséricorde nous a visités.
Son Amour l'a voulu.
Réjouissez-vous avec nous, ô anges, car nous sommes mêlés à vos rangs.
Chérubin :
Hommage d'action de grâce, ô Seigneur de l'Univers.
Tu as fait entrer Adam, l'expulsé, par l'intermédiaire du Larron, qui demanda grâce et miséricorde.
Et Tu lui as ouvert la porte fermée.
Larron :
Louange à toi, ô Seigneur, qui par Ta Parole fais entrer le Larron au jardin d'Eden.
Et Adam à sa suite en a l'espérance car il est retourné dans sa Patrie, celui qui en avait été expulsé.
*fin*
Bonus :
Bien que les croyants et croyantes connaissent cette prière/pièce par le nom de "Gayassa", son titre complet est "L'ode du chérubin et du larron".
Parfois, le mot ode est laissé dans sa forme syriaque, à savoir "soghita".
La tradition attribue cette ode à Mar Narsaï, théologue et poète syriaque du 5e siècle, surnommé parfois "La Harpe de l'Esprit Saint".
Bien que peu sourcé, sa page Wiki constitue un début pour se rendre compte de cette illustre figure.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Narsaï 
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