Hier, je me suis rendue compte d'un trope raciste pourtant extrêmement fréquent dans les films/séries occidentales fantastiques ou de SF. A thread beaucoup trop long.
Si on en croit le cinéma occidental :
Les poc (people of color) sont incapables de compassion, d'imagination ou d'amour de la même manière que les personnes blanches, et ça se voit dans leur rapport à l'inconnu.
Dans tous les films dont je vais parler, les héro.ïnes blancs.hes font face à des forces inconnues : aliens/monstres/robots/fantômes, etc. Mais où les héros.ïnes vont faire preuve de curiosité et de compassion les poc de ces films vont souvent réagir de manière très différente.
Cas 1, les personnes non blanches répondent à l'inconnu par l'agression :
Exemple, dans District 9 : Les seuls noirs à l'écran sont hyper violents avec les aliens alors que les dits aliens sont dans une situation évidente d'Apartheid.
Chappie (même réal) : Les noirs sont aussi hyper violents, et Deon Wilson (le scientifique indien qui a créé Chappie) a un regard scientifique sur sa création, là où les blancs et surtout Yo-Landi, une femme blanche, sont capables de tendresse et d'affection pour Chappie.
Arrival : C'est une scientifique blanche qui réussit à communiquer avec les aliens. Les scientifiques Chinois sont eux présentés comme utilisant une méthode de communication faussée basée sur la violence, et c'est le gouv Chinois qui menacent de déclencher une guerre à la fin.
Le problème ? Ca donne une image des poc comme de personnes fondamentalement plus violentes que les personnes blanches.
Par ailleurs, dans le trope dont j'ai déjà parlé sur le "racisme anti-aliens", ça permet aux blancs de se rassurer sur leur propre racisme. https://twitter.com/NocturneAeros/status/1009372316709425152
En voyant des personnes non blanches être racistes contre des aliens/robots/whatev, iels peuvent se dire : Les poc agiraient pareils à notre place, le racisme est dans la nature humaine et ce n'est donc pas de notre responsabilité de démanteler ce système...
Cas 2 : Les poc sont terrifiés et/ou refusent d'être impliqués dans ce qui se passe.
L'Exemple s'il n'en fallait qu'un : Mickey Smith de Doctor Who.
Je sais que ça va crier FORT quand je vais dire ça mais : Doctor Who est une série fondamentalement raciste. Et particulièrement les premières saisons de New Who.
(Puis Moffat est arrivé et a réussi à faire pire.)
Mickey est un personnage absolument détestable et détesté et bien qu'il connaisse une rédemption, difficile d'ignorer l'écriture horrible du personnage pendant de nombreux épisodes. Mais un des trucs qui m'a le plus marqué c'est que Mickey est couard.
Il a peur de tout, n'est réellement curieux de rien, et c'est un boulet que Rose, curieuse et assoiffée d'aventure, se traine au début de la série. Il est tellement haït que le Docteur lui même le surnomme "Mickey the idiot".
Un autre exemple du même genre c'est Carl de Jumanji...
Où est le problème : Déjà, souvent la peur de ces personnages est présentée comme drôle. Et dans le cas de personnages noir, on rentre du coup complètement dans le cliché raciste du noir clownesque et sidekick rigolo.
Ensuite : Il y a beaucoup de blagues qui circulent sur internet à base de "on voit jamais de noirs dans des films d'horreur parce que nous on est pas con, on voit un truc bizarre, on s'enfuit".
Avec le temps je comprends beaucoup mieux ces blagues et ce qu'elles dévoilent aussi du privilège blanc de l'insouciance. Pour autant, ces blagues m'ont toujours beaucoup irrité.
La curiosité n'est pas une tare, c'est une vertu. La peur est un sentiment important, voire salvateur. Mais ces histoires citées plus haut parlent de notre rapport à l'altérité que ce soit face à des humains d'une différente race, culture, religion, handicap, ou face à la nature.
Or face à ça la peur n'est factuellement pas la seule émotion que nous, êtres humains, quelque soit notre background, ressentons. Et heureusement.
Montrer systématiquement les personnages non blancs comme fuyant pour leur vie plutôt que de tenter n'importe qu'elle forme d'interaction est limitant et sort par ailleurs immédiatement ces mêmes personnes du récit.
Cas 3, les personnages non blancs sont terre à terre et/ou sceptiques :
Dans le "Ghostbusters" de 1984, Winston Zeddermore est d'abord là pour l'argent et ne croit pas aux fantômes, et s'il croit aux fantômes ensuite, il demeure tout au long du film "la voix de la raison" et un comic relief.
(Il devait d'ailleurs être joué par Eddy Murphy...)
Dans "Lace Crater" la "meilleure amie" asiatique de l'héroïne blanche est plus inquiète d'un potentiel triangle amoureux que de la santé de son amie. Et quand la meuf se vide à moitié de son sang devant elle et lui dit ce qui se passe, elle s'enfuit plutôt que de l'aider ??
L'héroïne d'Okja est non blanche ce qui est déjà merveilleux et formidable. Mais les deux seuls autres personnes non blancs du films des antagonistes qui ont pour même point commun d'être opportunistes:
Le grand père de l'héroïne pense en terme d'argent et le mec coréen de pas-vraiment-greenpeace qui roule sur les sentiments de l'héroïne et la sécurité d'Okja pour son propre intérêt.
Où est le problème ? Avoir les pieds sur terre et être sceptique face à l'apparition d'un alien/un monstre/robot/fantôme ressemble à une qualité. Ne pas se sacrifier pour le premier être surnaturel venu aussi. Seulement le message derrière ça est assez pernicieux.
En montrant systématiquement des personnes blanches comme faisant preuve d'ouverture d'esprit et de compassion, ces films finissent par sous entendre que SEULES les personnes blanches sont capables d'émerveillement et de prendre des risques pour autre chose que leur intérêt.
Que nous autres, non blancs, sommes fondamentalement trop égocentriques, terres à terres et manquons finalement de l'imagination et de l'intelligence sociale nécessaire pour s'ouvrir aux merveilles de la nature et des autres humains.
Ca rejoint aussi les tropes de la nanny ou du magical n*gro puisqu'en tant que personnage terre à terre, les poc seront toujours les "voix de la raison" des personnages blancs plutôt que de suivre leur propre arc narratif... https://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/MagicalNegro
Cas 4, la vénération:
King-Kong est bien sûr le plus connu de ces exemples :
Kong : Skull Island bien que + respectueux des natifs imaginaire ne s'éloigne pas de ce problème. Les natifs de Skull Island du film de 2017 n'ont pas peur de King Kong, mais le vénèrent néanmoins comme un dieu et ne cherchent pas à lui parler ou à en savoir plus sur lui.
Le problème : Ce trope ci s'inscrit dans une démarche de différenciation de l'Homme blanc scientifique qui comprend et maîtrise les phénomènes naturels VS l'Homme non blanc superstitieux et arriéré qui est victime de ces éléments et vit dans leur crainte.
Ce qui permettait au puissances coloniales d'assoir l'idée qu'elles "civilisaient ces sauvages" et leur "amenait la science" ce qui est totalement faux.
Dans le remake, on rentre plus dans les problématiques du bon sauvage et des "personnes non blanches naturellement plus liées à la nature".
Cas 5, la pure et simple absence :
Ok, je triche vu le postulat de départ, mais en faisant mes recherches, j'ai pu voir une fois de plus la QUANTITÉ de films fantastiques, de science fiction ou même juste "familiaux" ou nous n'existons tout simplement pas.
Parce que visiblement : rencontrer et communiquer avec des aliens, des monstres, des fantômes ou des robots géants de l'espace, c'est un truc de blanc.
"Nocturne, t'exagère, on est en 2019, t'as plein de films des années 80/90/2000 dans ton thread, les choses ont bien changé depuis !!"
Alors en fait...
En cherchant des contre-exemples, j'ai réalisé que même en essayant d'aller à l'encontre de leurs préjugés, beaucoup d'auteurices finissent par écrire des histoires qui punissent presque les personnes non-blanches qui font preuve d'autre chose que des réactions clichées évoquées.
Martha Jones dans Doctor Who est l'exact contre-pied de Mickey, elle est curieuse, intelligente et la seule chose que ça lui rapporte c'est : De la douleur.
Martha est une des compagnes les plus détestée de New Who par les fans, et par le Docteur lui même au point qu'il admette avoir "ruiné sa vie.". Alors quelle est intelligente, touchante, drôle et est dans les épisodes les plus iconiques de la série.
SPOILER
Toujours dans New Who : La grand-mère de Ryan, Grace, est montrée comme curieuse et sans peur et son mari, un homme blanc, est terre à terre et couard ce qui est une inversion bienvenue. Mais
Grace meurt, et en plus en vain, à cause de ce même entêtement.
Quant à Ryan, il est quand même souvent ou terre à terre ou peureux et parfois violent, même si c'est à un niveau bien moindre que Mickey.
Cette illustration est d'ailleurs l'image même de ce que je dis...
Michael de Discovery est aussi un changement bienvenu puisqu'elle fait souvent preuve de bien plus de curiosité et de compassion que les autres personnages. Mais sa curiosité est d'abord présentée comme un problème et vient ensuite de paire avec une certaine violence au début.
Sauf cas particuliers, j'ai toujours trouvé le fait de punir un personnage pour avoir tenté de communiquer avec l'inconnu cruel. Aujourd'hui je trouve même ça réactionnaire.
Dire "la nature/un autre être humain qui n'est pas exactement comme toi te veut forcément du mal et tu as été bête de croire qu'il en serait autrement" c'est de droite. Et surtout c'est faux.
Mais dans le cas des poc c'est pire, parce que contrairement à Mx Blanc.he lambda, nous n'avons pas eu un milliard de films pour nous dire que c'est ok d'être curieux et ouvert d'esprit. Donc la gifle est encore plus brutale et le message de "reste à ta place" encore plus violent
Pour autant, il existe un certain nombre de vrais contre-exemples particulièrement dans des films récents:
Yaz de New Who est aimée par le Docteur pour sa curiosité ce qui est un changement bienvenue après tous ces Docteurs plus ou moins ouvertement racistes.
MOANA. Le principe du film est que Moana est curieuse et est attirée par l'aventure et le danger.
"Home" (2015) et "Lilo et Stitch" sont aussi des films d'enfants non blancs rencontrant des extra-terrestre et réagissant avec toute la palette des émotions possibles.
Patty du Ghostbusters de 2016 est aussi un changement plaisant, sa peur initiale, et parfaitement compréhensible, se mue en curiosité, puis en franc intérêt. Elle ne rejoint pas les Ghostbusters par hasard mais par envie.
"Le Tableau " de Laguionie, repose quasi entièrement sur la curiosité d'une héroïne noire.
Niveau livre : Binti de Nnedi Okorafor : C'est simple, il n'y a pas de blancs, du coup la large palette des émotions face à l'inconnu n'est présentée que par des personnes non blanches.
On remarque assez vite que plus un personnage est central, moins on a de chances de retomber dans les réactions archétypales dont je parlais plus tôt, tout simplement parce que les personnages principaux sont en général plus développés que les personnages secondaires.
Seulement, encore faut il comprendre pour cela que nous aussi, poc, avons besoin de lire et voir ces histoires de rencontre avec l'inconnu.
Ce qui peut être difficile quand dans l'imaginaire des blanc.hes nous sommes l'altérité face à laquelle il doivent faire preuve de la "tolérance" qui leur est si chère...
Ce thread se conclura donc comme tous les autres :
Il faut plus d'héros.ïnes non blanches, plus de créateur.ices non blanches, plus de producteur.ices et maisons d'éditions tenues par des poc.
Et bien sûr:
Petit rajout: https://twitter.com/NocturneAeros/status/1111960208362766336
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